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CHEESE

Cheeeeeeese…

Le sourire peut s’étirer à l’infini car le monde merveilleux du fromage est sans limites…

 

Il est loin le temps où la France se faisait appeler le pays des 300 fromages. Très vite on en a recensé 400, puis 450. Auxquels se sont ajoutés une à une les spécialités de pays.

 

A CHACUN SON FROMAGE !

 

Si tout le monde aujourd’hui peut évoquer le camembert, le Sainte-Maure, le Mont d’Or, le Picodon, le Maroilles…

Qui peut se vanter de connaître le Rollot et l’ Aisy cendré… L’Affidélice au Chablis, la Jonchée Niortaise, La Goutte du Limousin, le Brouère, le Gouzon, le Bethmale, le Trèfle du Perche…

Rien que pour la Corse, on peut déjà en citer 12 : Bastelica (ou Bastelicaccia), U Pecurinu, U Bel Fiuritu, Bleu de Corse, Brin d’Amour, Calcatoggio,Venaco, A Casinca, Sarteno, Fleur du Maquis, Canestrelli, Chèvre d’Isolaccio…

D’autre part, le fromage a cessé d’être un monopole français : la Norvège a son Västerbotten cheese, son Brunost à pâte brune et au goût caramélisé. Le Danemark a son Bleu Castello, son Danablu, son Esrom, son Havarti, Son Provolone, son Tybo… Et Tahiti a son Festival du Fromage (il est vrai que cela se passe à Sofitel)…

Une bonne nouvelle qui a de quoi faire sourire, mais qui ne doit pas masquer une autre réalité : la standardisation progressive (mondialisation oblige) pour répondre aux normes des différents pays.

 

FÊTE DU FROMAGE, du vrai !

 

En Italie, on pourrait presque compter un fromage au mètre carré : Asiago, Bitto, Caciocavallo Silano, Casciotta d’Urbino, Castel Magno, Crescenza, Fiore di Latte, Fiore Sardo…

Impossible d’en faire la liste complète… Toutefois, on n’oubliera pas le BRA, produit dans la province de Cuneo, et qui porte le même nom que la ville de BRA (Piémont) où se rencontrent tous les deux ans, tous les fromages du monde, à l’instigation de SLOW FOOD et de TERRA MADRE.

CHEESE 2013, qui a eu lieu du 20 au 23 septembre dernier, a mis en valeur, tout particulièrement des fromages d’Afrique du Sud, du Royaume-Uni, d’Arménie, de France, d’ Irlande et des Etats-Unis…

 

L’occasion une fois de plus pour SLOW FOOD de marteler son message à l’encontre de la standardisation.

Tout l’intérêt du fromage ne réside t-il pas en effet dans cette incroyable diversité de saveurs, alors qu’à la source il y a toujours du lait ?

 

LA STANDARDISATION : UN FLEAU POUR LE FROMAGE …

 

« Ici, ils utilisent tous des ferments, même les bergers les plus isolés, même ceux du cercle polaire arctique ! » : voici ce que nous disait, il y a quelques semaines au téléphone, l’un de nos collaborateurs, en visite au cœur des Sentinelles et des communautés de la nourriture de Norvège.

 

À dire vrai, rien de bien nouveau : nous constatons déjà depuis plusieurs années à quel point l’usage des ferments industriels s’est répandu dans la production fromagère et malheureusement, pas seulement chez les industriels. Lorsqu’en 2006, je me suis rendu dans les Pyrénées, dans la région du Béarn, pour mettre en place une nouvelle Sentinelle de fromages de brebis au lait cru, j’ai pris conscience que même en France, même en alpage, même sur une exploitation de production/élevage vieille de cinq générations, les ferments étaient en terrain conquis. Et lorsque je leur ai demandé pourquoi ils s’étaient pliés à cette pratique, eux qui se sacrifiaient durement pour maintenir en vie les pâturages de la région, qui fabriquaient leur fromage rigoureusement au lait cru, qui respectaient scrupuleusement la tradition locale, leur réponse fut désarmante : c’est ce que nous ont conseillé les techniciens et il se trouve que le procédé entraîne ainsi moins de ratés.

 

Lorsqu’il y a une dizaine d’années, nous avons lancé la campagne en faveur du lait cru, nous avons réussi à faire comprendre (du moins aux consommateurs les plus attentifs et aux producteurs qui avaient autrefois honte d’avouer qu’ils travaillaient du lait cru), l’importance de pouvoir continuer à produire sans pasteurisation pour garantir l’excellence et la territorialité des fromages. Malgré tout, nous avons sous-évalué le phénomène des ferments industriels. Ce que nous avons réussi à obtenir d’un côté, nous l’avons perdu de l’autre, car il est incontestable que l’effet uniformisant des ferments prévaut sur la vitalité et la territorialité du lait cru.

 

C’est ainsi que la diffusion de cette pratique s’est silencieusement propagée telle une épidémie et a fait tache d’huile dans toute l’Europe, contaminant aussi les producteurs les plus scrupuleux et écologiquement engagés. Pourquoi une diffusion aussi rapide et généralisée ? Parce qu’utiliser des ferments est plus simple que de les produire à la fromagerie (petit-lait ou yaourt), parce que refroidir le lait de plusieurs traites et ne le transformer que deux ou trois jours après impose de fait l’utilisation d’additifs : en agissant ainsi, on réduit sensiblement la variabilité et le risque de pertes. Et parce que pour un technicien ou un consultant, c’est un bon moyen de se simplifier la vie et de garantir de bons résultats, en dépit des 2000 types de fromages existant dans le monde entier. Parce qu’avec des ferments industriels, il suffit de distinguer les familles (pâte pressée, pâte molle, croute lavée, frais, demi-sec, sec, etc.) et non les types de fromages : au sein d’une même famille, tous finissent donc par se ressembler, du cercle polaire arctique à la région italienne des Madonie. La voie est grande ouverte à l’industrie, qui connaît bien cette méthode de production, sait comment l’utiliser au mieux et bénéficiera toujours de coûts inférieurs.

 

Est-ce cette innovation, qui selon certains moralisateurs ne perdant pas une occasion de taxer Slow Food de passéisme et d’attachement jusqu’au-boutiste aux traditions, que nous devrions accepter ? Est-ce ainsi que doit se terminer la rencontre ? Des saveurs toutes identiques orchestrées par les scientifiques des laboratoires de culture et de conservation des ferments ? Nous nous y refusons et à nos côtés de nombreux producteurs s’y refusent également, en première ligne ceux du Parmigiano reggiano, qui fabriquent depuis toujours, sur place, le petit-lait nécessaire à leur production. Il faut donc résister et communiquer : tel est le défi qui nous attend à partir de cette édition de Cheese. Donner de l’écho à la thématique, en faire comprendre l’importance, mettre les producteurs en garde : en matière de ferments, on avance encore en terre inconnue, même les consommateurs les plus avertis, dans certains cas même les professionnels et les employés des laiteries, tendent à sous-estimer le problème, voire à l’ignorer. »

 

Piero Sardo, président de la Fondation Slow Food pour la Biodiversité.

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